Discours prononcé le 23 novembre 2019 en ouverture de la réunion publique consacrée à l'éthique.
"Nous ne devrions pas, en 2019, être réunis ce soir pour traiter du sujet de l’éthique en politique. Même si éthique et politique riment, ces deux termes devraient être des synonymes et nous ne devrions plus en parler. En effet, aucune action politique, au sens noble du terme, celui de « gestion de la cité », ne peut se concevoir sans éthique.
L’éthique nécessite de se forger des convictions car il est indispensable de penser et de réfléchir à ce que l’on dit pour pouvoir dire ce que l’on va faire et ainsi faire ce que l’on dit.
Loin de moi l’idée de dire que toutes les femmes et que tous les hommes politiques sont indifférents à l'éthique. Je me refuse à cet amalgame facile qui est l’argument des extrêmes. Je peux vous assurer que la très grande majorité des élu-e-s sont d’une grande honnêteté, d’une probité à toute épreuve et n’ont à l’esprit que l’intérêt général et nous n'avons de leçon à recevoir d'aucun autre pays.
Simplement, malheureusement, il existe des exceptions que l’actualité politique nous rappelle encore ces jours-ci et qui nous interrogent.
Une amie me parlait pour le comportement de ces gens là « d’une euthanasie des consciences ».
Alors, peut-on concilier éthique et exercice du pouvoir ?
J’ai placé dans mon panthéon, sur ces questions, trois personnalités politiques historiques françaises au comportement il me semble exemplaire sur cet aspect. Deux hommes et une femme : Charles de Gaulle, Pierre Mendès France, Simone Veil, pour leur courage, leur dignité et leur exemplarité.
Charles de Gaulle après avoir écrit : « Comme un homme politique ne croit jamais ce qu’il dit, il est étonné quand il est cru sur parole. », -ironie blessante mais surtout ironie blessée d’un homme qui a rétabli la République-, conclut cependant : « Tout peut un jour arriver même qu’un acte conforme à l’honneur et l’honnêteté apparaisse en fin de compte comme un bon placement politique. »
Ainsi l'honnêteté peut être un bon placement, un bon investissement, et n'est pas forcément le contraire de l'efficacité politique
De Mendès France j'ai retenu : « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement en mouvement, en révolte, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, de l’injustice, du mensonge, République éternellement inachevée, tant qu’il reste des progrès à accomplir. »
Enfin Simone Veil qui a dû faire face aux plus odieuses des attaques et qui nous dit : « Je persiste à défendre les causes qui me paraissent justes dans le contexte des réalités contemporaines. »
Les réalités et la pratique, l'éthique des pratiques et l'éthique des convictions doivent guider toute action politique.
Ainsi on fait de la politique pour défendre ses idées dans le réel, dans la vraie vie! Et en posant cette réponse j’exprime mon respect pour les vrais militants, celles et ceux qui sont animés de la volonté d’améliorer le sort des autres.
Je parle des militants qui se construisent une pensée, une colonne vertébrale, qui travaillent ardemment pour défendre leurs convictions profondes.
Nous avons toutes et tous des convictions : il faut du courage pour les afficher et les accepter, par le débat et la discussion, pour les confronter aux autres et parfois les corriger.
Mais pour pouvoir agir concrètement, il y a une étape obligée, celle des élections.
Le sens de l'intérêt général
Tous ne veulent pas être élus, mais parmi ceux qui le veulent, beaucoup souhaitent d’abord agir pour transformer la société, mais aussi améliorer ici et maintenant, -ou plutôt ici et bientôt-, le quotidien des habitants d’une ville.
La question qui se pose alors est celle- ci : peut-on concilier éthique et exercice du pouvoir ou en l’espèce exercice de responsabilités communales ?
Expliquer les problèmes, administrer et décider, suppose une éthique forte et de la conviction, sachant que l’élément fondamental du système démocratique, c’est la vérité.
Un nouvel élu doit d’abord penser à son action avant d’envisager sa réélection.
Et c’est là souvent que réside le problème, celui de l’inversion des priorités. Un maire, un élu municipal ne doit pas agir avec pour seul but la prochaine élection municipale. Il faut avoir la conscience et donc la volonté dès le premier jour de son mandat d’agir pour l’intérêt général : tout le reste n’est que simagrée.
« S’il n’y a pas d’honnêteté de la part de ceux qui jouent un rôle dans les institutions, il ne peut y avoir de démocratie ! »
Il ne faut pas biaiser avec le citoyen, il ne faut pas louvoyer, ménager sans cesse les uns et les autres, ménager la chèvre et le chou, d’autant que dans ce cas là à la fin, l’un mange l’autre. La discussion politique fait éclater les contradictions, les dissentiments parfois, mais loin de les redouter, l’homme politique doit les souligner au besoin, pour faciliter son arbitrage. L’élu ne doit pas redouter les contradictions mais les surmonter.
J’exclus les concessions qui subordonnent les considérations générales et permanentes à celles qui restent particulières et éphémères.
C'est vrai, l’exercice du pouvoir est complexe et risqué car il requiert de concilier deux inconciliables : le sens de l’intérêt général, une éthique donc, et la satisfaction d’intérêts particuliers, ceux des administrés. Et parfois l’intérêt général peut heurter les intérêts particuliers, par exemple dans le domaine de la protection de l’environnement.
Et puis, la société a évolué. Que le pouvoir municipal soit délégué pendant six ans à des femmes et des hommes non contrôlés, même s’ils ont été librement élus, qu’un élu reste plus d’un quart de siècle en place, n’est pas un système démocratique satisfaisant au 21ème siècle. C'est ce qu'on me dit régulièrement dans nos rencontres.
Et puis, la démocratie, doit se manifester de manière permanente.
Grâce au regard de l’opposition, par l’action des citoyens toujours exigeants pour que leurs décisions soient respectées, par des réformes institutionnelles, administratives qui doivent permettre à ces regards et actions de s’exercer, de se faire jour, là où se prennent les décisions, là où s’exercent les contrôles.
Ainsi, la transparence des processus de décision est un impératif.
Pour cette raison nous proposerons de publier sur le site internet de la ville l’ensemble des conclusions des commissions municipales ; nous proposerons la retransmission du conseil municipal sur internet ; nous proposerons d’assurer la transparence totale des marchés publics et des concessions du domaine public ; nous proposerons une charte éthique de l’élu-e et tant d'autres choses que nous vous présenterons le moment venu.
Mais la transparence, c’est aussi d’accepter qu’il n’existe pas d’un côté les « sachants » et de l’autre les « ignorants ». La meilleure garantie de la transparence, c’est d’associer en continu pendant six ans les habitants à la construction des décisions les concernant et pas uniquement les six derniers mois d'un mandat.
Bien sûr, il appartiendra aux élus de prendre la décision finale.
Mais une bonne décision, quel que soit le secteur d'activité, c’est : une écoute, une décision motivée et publique, une application et un contrôle de son application.
La transparence et l'éthique exigent donc la disponibilité totale de l'élu-e, par exemple par la tenue d’une permanence hebdomadaire par le maire et par les adjoints et adjointes, par une proximité avec toutes et tous les capbretonnaises et capbretonnais dans les quartiers d'abord et bien sûr en honorant toutes les demandes de rendez-vous.
C'est très simple, mais c'est une nécessité.
Rien n’est pire que la suspicion, car elle est le terreau sur lequel prospèrent les démagogues et les extrémistes.
Éthique et transparence sont les piliers d’une vie démocratique municipale saine.
Serge MACKOWIAK